Le programme est en ligne. Ce colloque comportera une seule plénière, donnée par John Humbley lui-même, le vendredi 20 février, de 16h15 à 17h15:
Eugen Wüster : vers une évaluation objective de son héritage
C’est peu dire que l’héritage d’Eugen Wüster est contesté en tant que fondateur de la terminologie moderne, et cela surtout en France. Les reproches que lui font les terminologues français sont connus : positiviste, son enseignement aboutit à une vision fixiste de la terminologie qui empêcherait la prise en compte de la variation ; son obsession de la normalisation ferait l’impasse sur la réalité du terrain, et son insistance sur l’onomasiologie l’éloignerait de la linguistique. Dans les instances officielles, on le soupçonnait de promouvoir l’anglais aux dépens du français. Chacun de ces reproches est en effet fondé sur un aspect de sa pensée, mais puisque la plus grande partie de son œuvre n’est disponible ni en français ni en anglais, ils représentent plutôt des caricatures de ses positions. L’objectif de cette communication est de remettre en perspective les objections que l’on a formulées dans les pays de langue française et de proposer une évaluation de sa contribution à ce qui est devenu la discipline de la terminologie.
Wüster était curieux de tout, et il accorda autant d’intérêt à la philosophie qu’à la linguistique. Il visait bien une normalisation de la terminologie technique, mais dans le cadre d’une coopération internationale, et en se fondant sur une étude minutieuse de l’usage, en tenant bien compte de la synonymie de l’existant. En tant qu’expert de domaine lui-même, il préconisait une approche onomasiologique afin de ternir compte de l’ensemble des notions d’un domaine. Il visait la communication internationale, en promouvant soit une langue internationale (l’espéranto), soit une terminologie aussi motivée que possible.
Mais les critiques que l’on a adressées à Wüster passent souvent à côté de ce qu’il a apporté de plus important à la terminologie. Dans les pays de langue allemande, on range Wüster parmi les « Laienlinguisten ». Ce titre n’implique pas un quelconque amateurisme de sa part : il était titulaire d’un doctorat et connaissait bien la linguistique de son époque. Mais il était par ailleurs ingénieur et chef d’entreprise, et il se tournait vers la linguistique pour résoudre des problèmes du monde réel. C’est dans cette mesure que l’on peut confirmer l’opinion de Weisgerber à son égard : Wüster est en fait un des fondateurs de la linguistique appliquée et de l’étude des langues de spécialité. Il mérite ce titre non seulement de par ses écrits, mais surtout par ses actes : mise en place d’un important dispositif de terminologie au sein de l’ISA, puis de l’ISO, au sein de l’ONU (fondation d’Infoterm) et de l’UNESCO (publication de manuels internationaux), auteur d’un dictionnaire modèle, promoteur de cours de terminologie à l’Université de Vienne. Wüster n’a pas laissé une doctrine, mais une méthode, une volonté de rechercher des solutions de communication dans ce que la linguistique de son époque avait à offrir.
Bibliographie
CAMPO, Ángela (2012) The Reception of Eugen Wüster’s Work and the Development of Terminology. Thèse de l’Université de Montréal.
CANDEL, Danielle (2004), “Wüster par lui-même », dans Cahiers du C.I.E.L 2004. p.15-32.
HUMBLEY, John (2004), “ La réception de l’œuvre d’Eugen Wüster dans les pays de langue française ” dans Cahiers du C.I.E.L 2004. p. 33- 51.
SAIMAN, Didier (2010), « Eugen Wüster : de l’espéranto à la terminologie », dans HEINZ, Michaela (dir.), Cultures et lexicographies, Frank et Timme 2010, p 279-298.